Les biothérapies, quoi de neuf 10 ans après ?
Les biothérapies ont été développées à partir des années 1990.
Elles sont une véritable révolution dans la prise en charge des pathologies rhumatismales inflammatoires, permettant d’agir sur ces maladies de façon ciblée, avec une bonne efficacité et une bonne tolérance.
Plusieurs pathologies peuvent bénéficier de ce type de traitement actuellement : la polyarthrite rhumatoïde, l’arthrite psoriasique et la spondylarthrite ankylosante.
D’autres pathologies associées répondent également à ces traitements, notamment la maladie de Crohn, la
rectocolite ulcéro-hémorragique et le psoriasis cutané.
Les biothérapies ont changé les perspectives et
l’évolution de ces maladies.
Dans la polyarthrite rhumatoïde, l’espoir d’une rémission
complète et durable est maintenant envisageable chez certains malades. Dans les spondylathropathies (arthrite psoriasique et spondylarthrite ankylosante), ces traitements permettent d’obtenir une rémission des symptomes. Le nouvel objectif est donc de rendre au patient une vie normale.
Les biothérapies regroupent tous les médicaments issus de molécules biologiques naturelles. Plusieurs molécules ont été développées en fonction d’une cible spécifique. Les anti-TNFα par exemple, sont dirigés contre le TNFα. Il s’agit d’une petite protéine intervenant dans la cascade inflammatoire, responsable elle-même de l’activation d’autres protéines à l’origine de l’inflammation articulaire et des destructions osseuses.
Anti-cytokines |
Anti-TNFα |
Infliximab (Remicade®)
Adalimumab (Humira®)
Etanercept (Enbrel®)
Golimumab (Simponi®)
Certolizumab Pegol (Cimzia®)
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Anti-Il1 |
Anakinra (Kineret®) |
Anti-Il6 |
Tocilizumab (Roactemra®) |
Anti-lymphocyte B |
Anti-CD20 |
Rituximab (Mabthera®) |
Anti-lymphocyte T |
CTLA4 Ig |
Abatacept (Orencia®) |
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D’autres protéines inflammatoires peuvent être ainsi ciblées : Il1, Il6,… par l’administration d’anticorps dirigés
contre la protéine elle-même ou contre son récepteur, empêchant dès lors les cellules de fonctionner et de produire des molécules nocives pour les structures
environnantes. Certains traitements empêchent la communication entre certains sous-types de globules blancs (les lymphocytes), dialogue indispensable
au développement de l’inflammation.
Le tableau ci-contre reprend les biothérapies disponibles dans la polyarthrite rhumatoïde.
Dans les spondylarthropathies, seuls les anti-TNFα ont montré une efficacité. Des études sont en cours avec l’abatacept et le tocilizumab. Des molécules actives sur le psoriasis cutané sont également en cours
d’évaluation (anti-Il12-23, Ustekinumab, Stellara®).
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L’accès à ces biothérapies nécessite la présence chez le patient de critères diagnostiques bien définis
et propres à chaque pathologie. De plus, la maladie doit être suffisamment active. Dans la polyarthrite
rhumatoïde, le rhumatologue évalue l’activité de la maladie en consultation en calculant le score d’activité
DAS 28.
Il s’agit d’un calcul complexe faisant intervenir le nombre d’articulations gonflées, le nombre d’articulations douloureuses, un paramètre inflammatoire de la prise de sang et l’évaluation globale de la maladie par le patient.
En fonction du résultat, la maladie est classée comme étant en rémission, ou d’activité faible, modérée ou sévère. Ce paramètre est une aide au suivi de
l’évolution de la pathologie et éventuellement aux décisions thérapeutiques.
Dans la spondylarthrite ankylosante, l’évaluation se fait sur base d’un questionnaire à remplir par le patient : le BASDAI. Il comprend des questions relatives au degré de fatigue, aux douleurs et à la raideur matinale.
Pour accéder à un traitement biologique, d’autres traitements de fond doivent avoir été tentés préalablement, notamment le méthotrexate dans la polyarthrite rhumatoïde et l’arthrite psoriasique, ou les anti-inflammatoires dans la spondylarthrite.
Finalement, le patient ne doit pas présenter de contre-indication au traitement par un agent biologique.
Le tableau suivant reprend les contre-indications absolues et relatives à un traitement par anti-TNFα.
Contre-indications absolues |
Infections actives aigues ou chroniques
Néoplasie ou hémopathie de moins de 5 ans, à potentiel évolutif
Insuffisance cardiaque sévère
Maladie démyélinisante (par ex. sclérose en plaques)
Grossesse ou allaitement |
Contre-indications relatives |
Situations à risque sur le plan infectieux
Cancers de plus de 5 ans traités et considérés comme guéris
Lésions précancéreuses |
L’efficacité des anti-TNFα a été largement prouvée par de nombreuses études internationales, et ce, quelle que soit la pathologie. Ils améliorent significativement l’activité de la maladie, ont un effet positif sur la qualité de vie et sur l’atteinte fonctionnelle.
Dans la polyarthrite, ces traitements ralentissent voire stoppent l’évolution radiographique.
Cette amélioration est de surcroit très rapide puisqu’elle apparait dès les toutes premières semaines de traitement, et se maintient au cours du temps
dans la plupart des cas.
Ces traitements sont habituellement bien tolérés.
Cependant des effets secondaires peuvent survenir.
Des réactions allergiques sont possibles lors de l’injection. Elles peuvent être
générales dans le cas des injections intraveineuses ou localisées au site de la
piqûre si l’administration est sous-cutanée.
Par ailleurs, un patient qui reçoit une biothérapie a globalement 2 fois plus
de risque de développer une infection. Ces infections touchent le plus
souvent les voies respiratoires supérieures. Les infections cutanées et des
articulations peuvent se développer aussi plus fréquemment.
L’administration de ces traitements augmente le risque de développer une tuberculose. L’instauration d’une
biothérapie nécessite donc toujours d’exclure au préalable la présence d’une tuberculose latente. Cette
mesure a permis de diminuer radicalement le risque de développer une tuberculose active sous traitement.
Aujourd’hui, la plupart des biothérapies ont plus de 10 ans. Ce recul n’a pas permis de mettre en évidence
une augmentation du risque de cancers. Ainsi, le taux de cancers solides est superposable à celui attendu
dans la population générale. Le risque de lymphome sous biothérapie est comparable à celui de patients
atteints de polyarthrite rhumatoïde non traités par biothérapie. Par son caractère auto-immun, la polyarthrite
augmente en effet d’elle-même le risque de développer ce type de cancer.
Actuellement les anti-TNFα ne sont plus les seules biothérapies utilisées. Ces autres traitements biologiques
sont des alternatives elles aussi très efficaces qui peuvent être utilisées en première intention, lors d’une
perte d’efficacité des anti-TNFα ou en cas d’intolérance à ceux-ci.
De nombreuses autres molécules sont en cours d’évaluation.
D’autres encore sont découvertes chaque année.
La recherche bat son plein et nous promet encore de belles avancées.
… « Et si on se (re)donnait rendez-vous dans 10 ans ? »…
Dr Laure Tant
Membre du comité scientifique
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